La reconstruction de la ferme de Maizeret

au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles.

Le témoignage des textes

écrit par Jean-Louis Javaux

 

Les volumes de la ferme de Maizeret en bordure de la rue de Villenval (Photo IPM, 1970)

à droite, la grange de 1708

          Le petit village de Maizeret s'étire au sommet du versant droit de la vallée de la Meuse, entre Loyers et Thon, en léger contrebas d'un des forts de la ceinture de Namur (1888-1891), démantelé en 1945(1). L'habitat hétérogène mêle à la succession rapide des constructions traditionnelles en calcaire, des XVIIIe et XIXe siècles, l'extension linéaire récente des lotissements en brique. Dans le bas de la localité, à l'est, le long de la rue de Villeval qui descend vers la vallée du Samson, s'étend le cimetière, site primitif de l'église jusqu'à sa destruction par fait de guerre en août 1914 et sa reconstruction à un endroit plus central en 1927.

           C'est là, juste en face du champs de repos, que s'affirment les volumes puissants et encore partiellement chaulés d'une grosse ferme clôturée en calcaire. Plusieurs millésimes, 1670 sur la porte du logis, 1708 au portail de grange et 1716 à la clé des deux petits porches d'entrée, en jalonnent les diverses étapes de construction(2) tandis que le blason de la famille de La Fontaine, qui se confond à s'y méprendre avec celui de la famille d'Eve(3), en identifie au moins l'un de ses détenteurs au-dessus de l'entrée de l'habitation.

Plan du village au siècle passé, d'après l'Atlas des communications vicinales de la commune de Maizeret, dressé par le géomètre Debarsy en 1844.

En 1, emplacement primitif de l'église Saint-Martin ; 2, la ferme de Maizeret ; 3, le presbytère ; 4, la place du village ; 5, emplacement actuel de l'église.

          De nos jours, la ferme ne porte pas de nom particulier(4). Elle fut pourtant dès le XIVe siècle le siège d'une seigneurie foncière tenue en fief du comte de Namur. Le manoir alors aux mains de la famille de Mainil, parvient en 1404 à la famille de Preez, puis en 1519 à Gilles de La Fontaine, dont la famille se maintient péniblement à Maizeret aux XVIe et XVIIe siècles. Difficultés financières récurrentes, hypothèques, première saisie en 1588 par le banquier italien Pierre de Palma, remises à flot boiteuses et emprunts divers – dont un de 1.440 florins consenti en 1669 à Jean de La Fontaine pour rebâtir en pierre et brique sa résidence de Maizeret(5) – entraînent finalement en 1678 la mise sous séquestre du bien au profit d'Henri de Lemède, seigneur de Jennevaux. L'homonyme du célèbre fabuliste français se voit même expulsé de sa demeure en 1680 : il se réfugie en toute hâte, avec femme et enfants, dans un "meschant fournil […] où ils estoient exposez à la pluye et mauvais temps avec leur meuble". Il est même obligé, lui l'écuyer, de labourer ses terres de ses propres mains, avec l'aide de ses deux fils aînés. Mais il ne peut y suffire complètement avec un attelage de quatre chevaux (deux de ceux-ci lui ont été prêtés par un maître de forge de Vaux-sous-Samson) et quelques bœufs de labour. Son cheptel se compose encore de trois chevaux en propre, de deux bœufs adultes et de trois jeunes, de quatre vaches et quatre génisses, mal abrités des ardeurs du soleil et des froidures de la mauvaise saison par un vieil "abatu" (appentis) ouvert à tous vents ! Il ne tire quasi plus rien de ses deux "ahanières" (jardins) d'un demi bonnier, qui auraient dû lui fournir choux, navets, fèves de Rome, chanvre et fourrage pour le bétail(6).

          En 1706, le bien est repris par Vincent de la Bouverie, mayeur des ferrons et maître de forges, détenteur depuis 1677 de la seigneurie voisine, mais liégeoise, de Moisnil. Lui succèdent par héritage en 1753, Jacques baron de Baré, seigneur d'Houchenée, puis ses descendants directs jusqu'à la fin de l'ancien Régime(7).

          La mise sous séquestre de la ferme de Maizeret dura jusqu'à cette époque, ce qui nous vaut d'avoir conservé le détail de ses recettes et dépenses de 1738 à 1778 – celles le 1678 à 1737 ne sont malheureusement pas conservées(8). Côté recettes, les grains ne représentent qu'une source de revenus bien secondaire, quoique assez constante, par rapport à ceux provenant des bois (ventes d'arbres et de taillis – cfr. tableau ci-joint). Côté dépenses, de simples entretiens aux maçonneries et aux toits de paille, qui dépassent rarement 20 à 30 florins par an, excepté en 1773 et 1776, où les réparations se montent respectivement à 148 et 133 florins. Durant cette période, l'assiette des tailles, c'est-à-dire la base de l'imposition foncière, taxait la ferme de Maizeret sur le pied de 47 bonniers 116 verges de champs (44,74 ha) et de 9 bonniers 98,5 verges de prés, jardins et pâtures (8,74 ha), soit une exploitation d'une bonne cinquantaine d'hectares(9).

          Plusieurs témoignages concordants, déposés les 21, 25 et 26 février 1728 devant le notaire Joseph Conet, de Namur(10), relatent de manière circonstanciée l'histoire architecturale de l'exploitation agricole, narration parfaitement corroborée – ou sous-tendue ? – par les millésimes inscrits sur la bâtisse, il convient de le souligner. Le but de ces déclarations, non stipulé dans les documents, est visiblement de mettre en doute la nécessité réelle de reconstruire certains bâtiments de la ferme, entrepris au détriment du failli par leur nouveau propriétaire, puisque la saisie, effectuée au prorata des sommes dues, comportait l'obligation d'entretenir les bâtiments "en bon père de famille". Ces témoignages mettent surtout en évidence le passage assez rapide d'une architecture entièrement en colombage à une architecture en pierre, mutation capitale qui a profondément modifié la physionomie de notre patrimoine monumental.

          Les trois témoignages principaux, dont l'orthographe initiale a été respectée, mais dont ponctuation et accentuation ont été modernisées, sont présentés ici non pas dans l'ordre de leur déposition, mais selon l'ordre chronologique des faits remémorés.

1. Témoignage de Jean Germain, âgé de 80 ans environ, résidant à Maizeret depuis 1688 et auparavant à Thon (25.02.1738) : "[…] il a vu que le sieur Jean de Lafontaine at fait bâtir en l'an 1670 un corps de logis, avec une escurie des cheveaux et une estable des vaches, le tout de pierres, dans un même allignement, à la cense luy appartenante pour lors audit Maizeret, à la réserve qu'au-dessus de l'entière muraille du bas paroit (11) de ladite escurie et d'une petitte partie de celle dudit estable regardante la cour de ladite cense, il y avoit un palleotage (12) de la hauteur d'environ cinq à six pieds qui montoit jusques au toict desdites escuries et estable, lesquels escurie et estable (quoyque plus bas que ledit corps de logis) ont tousjours resté dans une aussy bon estat que ledit corps du logis, au moyen des réparations et entretients y faits de temps à autres, jusques à ce qu'il at semblé convenir à feu Vincent de la Bouverie (lors possesseur de ladite cense à titre de saysinne) de faire démolire les toicts et palleotages desdittes escurie et étables et d'en faire rehausser les murailles à l'égalité de celles dudit corps de logis, en y faisant même mettre quelques soumiers de plus que ceux qui y estoient placez auparavant, afin de faire voûter de bricques, comme il at fait, lesdittes escurie et estable.

Plan masse de la ferme de Maizeret, d'après un relevé de G. Hagon (IPM-1974). Les bâtiments dont la reconstruction est mentionnée par les textes sont le logis (1), l'écurie et l'étable (2), ainsi que la grange (3).

Déclarant en outre que, quoy qu'il n'ay connoissance du temps de la construction de la grange qui existoit déjà à ladite cense audit an 1670, sy scait-il cependant pour l'avoir vu que, quoy qu'elle estoit bâtie de bois et de palleotage, elle estoit pour lors ainsy qu'elle at encor esté en après en très bon estat et at resté tel au moyen des réparations et entretients y fait de temps à autres, jusqu'à l'an 1708 que ledit Vincent de La Bouverie at trouvé à propos de la faire démolir et d'en faire construire une neuve de pierres, beaucoup plus longue, plus large et plus haute que la démolie, quoyque celle-cy estoit plus que suffisante pour y inhorrer (13) les dépouilles provenantes des terres de la cense dudit de La Fontaine, puisqu'au par-dessus d'icelles, il at vu aussy inhorrer plusieurs fois celles du bien Fouiat, n'ayant jamais vu que la grange démolie auroit menacé ruine avant ny au temps de sa démolition, et tient pour certain que si on l'avoit laissé subsister, elle auroit duré encore plusieurs années, tous accidens imprévus sauf, moienant les réparations et entretient nécessaires qu'on auroit pu et dû faire.

Déclarant en outre qu'il at vu qu'il y avoit une estable qu'on nomoit celuy de boeufs, bâtie aussy de bois et palleotages, qui estoit joint à la basse parois de ladite grange avant sa démolition, du côté de la cour et joignant au wez (14), dont il n'at vu s'en servir pour y mettre les boeufs, mais qui subsistoit encor au temps de la démolition de ladite grange et qui estoit découverte en partie, laquelle at esté aussy démolie avec la même grange."

Au travers du porche de 1716, le logis du XVIIe siècle (Photo IPM, 1970)

2. Témoignage de Marguerite de Marsin, âgée d'environ 69 ans, veuve en premières noces d'Albert Dumazy et en secondes, de Ferdinand de Joncquoy, résidant présentement à Jambes, mais fermière à Maizeret à partir de 1694 (21.02.1738) :

"[…] elle at veu que ledit fiscal Lemède at fait réparer et entretenir de temps à autres les toicts et autres réparations nécessaires, tant de la maison, estableries des cheveaux, boeufs et vaches, que de la grange et de tel manière que le tout estoit bien réparé et en bonne état au tems de sadite sortie ; qu'il n'y avoit aucuns desdits bâtiments qui menaçoit ruine et nomément la grange qui, quoyque bâtie de bois et palliotages, ne penchoit ny d'un costé ny d'autres et n'estoit soustenue d'aucun estançons.

Certifiant de plus qu'au temps de son entrée en ladite cense, elle at trouvé les terres aux marsages (15) non labourées à cause de l'abandon qu'avoit fait de ladite cense François Robinet au commencement dudit an 1694, mais qu'elle at fait labourer et ensemencer quelqu'unes desdites terres dudit marsages en livrant les semences par égale moitié avec ledit fiscal Lemède et en partageant aussy la dépouilles en excrue (16) par égale moitié, ainsy qu'elle croit qu'ont fait d'autres personnes à qui ledit fiscal Lemède at eu remit aussy quelqu'unes desdites terres dudit marsages pour les labourer et ensemencer, et nomément à Jean Robinet, censier à Bialy avoisinant ledit Maiseret."

3. Témoignage d'Henri Robinet, fermier au château de Loyers, et de Marie-Catherine Delwiche, son épouse, fermiers de la cense de Maizeret de 1704 à 1714 (26.02.1738) :

 A droite, le logis en brique, éclairé par deux fenêtres jadis en croisée, s'ouvre par une porte dont le linteau affiche le millésime de 1670 et les armes des La Fontaine. A gauche, les anciennes écurie et étable, en pierre, ont été dotées de nouvelles ouvertures au XIXe suiècle (photo IPM-1970). Etat avant la modification récente de la plupart des baies. 

"[…] ayant trouvé à leurs entrée en ladite cense les corps du logis, escurie des chevaux et étables des vaches en bon estat, qui estoient tout bâtie de pierres à la réserve de cincq à six pieds de palleotages en hauteur, qui estoit au-dessus de la muraille enthier du bas parois de ladite escurie et d'une partie de celle desdites estables de vaches du costé de la cour de ladite cense, qui se montoit jusqu'au toicts, lesquels bâtiment ledit sieur de La Fontaine avoit fait construire tous la même année.

Déclarant aussy qu'ils ont trouvé la grange de ladite cense, quoyque bâtie de bois, aussy en très bon état, avec une estable qu'on nomoit celuy des boeufs qui estoit joint à la basse parois de ladite grange du côté de la cour avoisinant le wez et convertit cependant pour lors en baure ou remise de chariot, lesquels sont restés tels jusqu'à ce que Vincent de La Bouverie ensuitte possesseur d'icelle cense s'est avisé l'an 1708 de faire démolir lesdites grange et estable, comme celluy des boeufs, et de faire construire une neuve grange de pierre beaucoup plus longue, plus large et plus haute que celle démolie, quoyque celle-cy estoit très suffisante pour y inhorrer les dépouilles provenantes des terres de ladite cense, ayant aussy ensuitte trouvé convenir de faire démolir les toicts et palleotages des avant-dittes escurie des chevaux, estable des vaches et d'en faire rehausser les murailles jusques à l'égalité de celles du corps du logis de ladite cense, qui estoit plus haut que ladite escurie et estable des vaches, ayant de plus ledit Bouverie trouvé à propos de faire placer à icelles un plus grand nombre de soumiers qu'il y avoit auparavant, afin de les faire voûter de bricques, comme il at fait, nonobstant qu'il n'y avoit aucune nécessité de faire aucun changement auxdites escurie et estable, ny de démolir ladite grange, puisqu'ils s'en estoient toujours bien servit tels qu'ils estoient auparavant et qu'ils estiment qu'ils en auroient pu faire de même à la suitte autant bien que leurs successeurs en ladite cense jusques à présent et même plusieures années cy-après, moyenant les entretients et réparations qu'on y auroit pu et dû faire de temps à autre.

Déclarant en outre ledit premier comparant que l'an 1709, après le fort hiver, il at eut ensemencé de l'orge de mars dans une terre nomée de Neuchamps, dépendant de ladite cense, dans une endroit où l'espeaute y semencée l'an précédent se trouvoit manquées, duquel orge de mars avec un peu d'épeaute qui s'y trouvoit entremêlée, il at receullit suffisanment pour faire une bonne brassée de bierre, ainsy qu'il at fait pour sa moitié parte, ayant ledit Bouverie perceu l'autre moitié."

          Quelques décennies avant la fin du XVIIe siècle, la ferme de Maizeret est encore toute en pan de bois et torchis sous toitures de chaume, y compris sans doute le "manoir" seigneurial, s'il existe encore, car il n'a visiblement pas attiré le regard d'Adrien de Montigny lorsque celui-ci a dessiné le village en 1604 (17). Les premiers bâtiments à connaître une "pétrification" en 1670 sont le logis – charité bien ordonnée commence par soi-même – l'écurie et un petit bout d'étable. Encore que, pour ces deux dernières parties construites dans l'alignement de l'habitation, mais moins hautes qu'elle, il y ait sous la toiture un tronçon de muraille en colombage de près d'un mètre et demi de hauteur : les deux techniques de construction coexistent toujours. Mais les matériaux distinguent soigneusement la demeure, en briques rouges, des dépendances, en moellons tout venant.

          Deuxième étape au début du XVIIIe siècle : la grange, pourtant réputée solide et capable de résister longtemps encore aux injures du temps si on prend la peine de l'entretenir, est à son tour bâtie en dur, tandis que le bout de mur encore en colombage des écurie et étable est remplacé par de la pierre. Les vieux plafonds en bois de ces dernières sont en outre remplacés par des voussettes de brique sur gros sommiers en chêne, toujours en place. La construction de deux petits porches en 1716 marquent un terme à ces modifications : les composantes principales de l'exploitation agricoles ont ainsi renouvelées en un demi-siècle. La ferme est passée d'une technique de construction héritée du moyen âge à celle que l'on connaît aujourd'hui, même si pour une bonne centaine d'années encore, les toitures s'habillent toujours de chaume.

 

 

 

Millésime et blason des La Fontaine à la porte du logis.

Les stries formées par le tailleur de pierre ne correspondent pas du tout aux conventions héraldiques utilisées habituellement représenter les couleurs :

lignes verticales pour le rouge (gueules), pointillé pour le jaune (or).

 

 

MAIZERET : superficie de la ferme (en bonniers et verges)

Année Bâtiments et cour Prairies Labours Sous-total Bois Total
1594 1-212  7-315 26-302   36-029 76-071  112-100
1644      +/- 30-000      
1711   9-098  32-000  41-098    
1759  1-200 5-298  32-000  34-256  76-071 110-327
1786  1-200 4-298   33-177 39-275   76-071 115-346 

 Source E.A.N., Souverain baillage, n° 332. Enquêtes judiciaires , n° 4801.

1 bonnier = 400 verges = 9461,8 m². 

 

  

 

Autres documents d'archives

22.11.1644 : enquête judiciaire à propos de la contenance de la ferme de Maizeret.

Aujourd'huy 22 novembre 1644, par-devant le conseiller de   et maître Jean de Herstal, adjoint, comparut damoiselle Anne Fabri, espeuse à Henry de La Fontaine, escuyer, assistée de son procureur Mahy, lequel nous at requis de voulloir besoigner à l'enquête qu'elle entend faire au procès quy est     conseil contre Estienne Lemenne et Martin de La Fontaine, aussi escuyer, ses frère et beau-frère, nous produisant à ceste fin ses escripts et éticquet.

Du 26 dudit mois Recomparut ladite damoiselle assistée comme dessus, laquelle at déclaré d'avoir reconduit (?) ses tesmoins et fait adjourner sur son enquête le procureur Fumal par huissier bourgeois, ainsi qu'il     nous at relaté d'avoir parlé à eux mesme, quy at consenty à ladite enquête  sauve ses reproches, débats et contredits. partant avons besoingné comme s'ensuit.

Thiery le Chairier, manouvrier de son stil, demeurant à Maizeret, eagé de cincquante ans et plus, après serment presté, examiné au contenu de son eticquet. Sur les 2e et 3e articles   des additions (?) du produisant, dit avoir par l'espace de neuf à dix ans par charge du produisant semé les terres du bien qu'avoit ci-devant esté engaigée par feu Henry de Lafontaine, escuyer, père dudit produisant, au proffit de feu Pierre Palme représenté le capitaine Godon, entre lesquelles terres y avoit une pièce nomée Piedeschaux (?), contenate environ bonnier et demy, item une aultre dicte la terre du Vivy, contenante quelque peu plus d'un bonier, et une troisième pièce de terre nomée les trois boniers desur la voye de Bealy, touttes lesquelles pièces de terres ayant ainsy que dict est, esté engagiées avec feu de Palme par le feu père du produisant, peuvent contenir en tout, y comprinses memse les trois pièces de terres naguaire neuves, environ dix boniers à chacune saison, peu plus peu moins. Sur les 7, 8, 9 et 10 articles, dit avoir tousiours veu et entendu de plusieures persones que lesdites trois pièces de terre, nomées Piedeschaux, Vivier et desur la voye de bealy, estoyent comprinses dans ladite engaigaire et que comùme telles elles ont esté viainées (?) successivement par ledit feu Pierre de Palme, feu le capitaine Godon et par Gaurelle, son représentant, jusque à ce que ledit produisant les at rethiré des mains dudit Gaurelle en vertu de sentence du Grand conseil de Sa Majesté. Au surplus dict que Martin de La Fontaine et Estienne Lemenne en qualité de sa compaigne ont esté héritiers dudit feu Henry de La Fontaine, le père et beau-père respectif d'iceux, chacun à l'advenant de la cincquiesme part. Qu'est ce que scait. Après lecture at persisté et marcqué. (s) Marque (X) dudit Thiery.

Guillet de la Lyco (?), maître varlet de labeur en la cense de Baseilles appartenante aux pauvres du Grand hôpital de cette ville, eagé de quarante-six ou quarantes-sept ans, après serment presté, examiné comme le tesmoin précédent, at déposé que feu Walthier Joris, son beau-père, at par l'espace d'environ sept (?) ans manié comme censier les terres et héritages que feu Henry de La Fontaine, père du produisant, at ci-devant engaigé à feu Pierre Palme, depuys représenté par feu le capitaine Godon, soubz lequel Godon ledit Joris estoit censier, comme dit est, et le déposant servoit sondit beau-père au fait du labeur desdites terres ledit termez et espace de sept ans, paroit le scait et at bonne mémoire que dudit labeur dépendent trois pièces de terre, dont une contenant environ bonier et demy est appellée Piedeschaux, la seconde grande d'un bonier  ou quelque peu plus est nomée terre du Vivier et la troisième est ditte la terre de trois boniers de sur la voye de bealy. Sy dépose que tout ledit enthier labeur ou chariage, y comprise mesme lesdites trois pièces de terre naguaire mentionées, ne contienent chacune saison qu'environ dix boniers de terre, peu plus, peu moins. Qu'au surplus dit avoir ouy dire plusieures persones que Martin de La Fontaine et Estienne Lemenne son beau-frère estoyent pour les cincquieme parte héritiers dudit feu henry de La Fontaine, les père et beau-père respectives. Qu'est  ce que dit pouvoir déposer, ayant après lecture persisté et apposé sa marcque. Depuis ajouste que durant ledit treme de sept ans ledit feu Henry de La Fontaine at veu et sceu que ledit capitaine Godon jouyssoit des susdites trois pièces de terres avec aultres que ledit feu de La Fontaine avoit comme dit est engagié audit palme, et néant moins ledit déposant n'at veu que ledit feu de La Fontaine ayt jamais querelé ny inquiété ledit feu capitaine Godon, en sa possession desdites trois pièces de terre, ny que ledit feu de La Fontaine ayt jamais prétendu qu'icelles trois pièces ne fuissent comprises au nombre de celles par luy angagées audit Palme, autheur dudit Godon. Partant il tient pour certain que les susdites trois pièces estoyent comprises dans ladite engagère, aultrement il est asseuré que ledit feu de La Fontaine n'eust permis audit Godon et son censier de jouyr paisiblement desdites trois pièces, comme ils ont fait  auxdits bien que de touttes aultres engagées audit de Palme. (s) Marcque (X) dudit Guilles

A.E.N., Enquêtes judiciaires, no 4801.

 


(1) Ch. FAQUE, Henri-Alexis Brialmont. Les forts de la Meuse 1887-1891, Bouge, 1987.
(2) Sur le bâtiment, voir Le patrimoine monumental de la Belgique, t. V, Arrondissement de Namur, Liège, 1975, pp. 396-397 (l'adresse de l'époque, rue du Village, 30, est devenue aujourd'hui rue de Villeval, 147). Le contexte général de l'architecture rurale en Condroz est remarquablement brossé par l'Architecture rurale de Wallonie. Condroz, sous la dir. de L.-F. GENICOT, Liège, 1989.
(3) Les pièces honorables de l'écu sont en fait identiques pour les deux familles, seules les émaux permettent de les distinguer ! Les La Fontaine portent un écu de gueules à la fasce d'or ; la famille d'Eve, d'azur à la fasce d'or. Transposés dans la pierre, les blasons se distinguent uniquement par la manière dont sont rendues les couleurs : stries verticales pour le rouge et horizontales pour le bleu ! B. LA FONTAINE, Deux pierres tombales de La Fontaine à Stave, dans Le Parchemin, no 273, 1991, pp. 95-104 ; ID., Témoignages héraldiques de la famille de La Fontaine, dite de Bouillon ou de Stave, dans Ibid., no 274, 1991, pp. 27-32.
(4) Le nom de ferme "Romedenne" qu'on lui donne parfois aujourd'hui désigne en fait son ancien exploitant, puis propriétaire durant toute la première moitié de notre siècle.
(5) Ibid., pp. 31-32 (document provenant des archives privées de l'auteur).

(6) Ces renseignements sont tirés des dépositions, parfois contradictoires, qui accompagnent la procédure en dommages et intérêts intentée en 1681 par Jean de La Fontaine contre les chanoinesses d'Andenne : Archives de l'Etat à Namur (= A.E.N.), Enquêtes judiciaires, nos 7295 et 7322.
(7) S. BORMANS, Les fiefs du comté de Namur, 3e livraison, Namur, 1877, p. 426 et passim ; ID., Les seigneuries féodales du pays de Liège, Liège, 1871, pp. 281-282 ; A.E.N., Communes ancien Régime, Maizeret, no 1 ; Souverain bailliage, no 332 ; Enquêtes judiciaires, no 9657.
(8) Il existe aux A.E.N., Familles diverses et particuliers, no 479, un petit registre de comptes intitulé "Hic liber pertinet ad Joannem de La Fontaine [seigneur escuyer] in Maizeret - 1668", continué par son fils Henry-François et qui couvre en fait les années 1651-1710, ne contient malheureusement pas de renseignements sur la construction de la ferme de Maizeret ou sur son exploitation, mais concerne des cens, rentes, pâturages, raspes, etc. à Maizeret, Vaux-sous-Samson et Namêche.
(9) A.E.N., Communes ancien Régime, Maizeret, nos 2 et 3. On conserve plusieurs baux de la ferme, qui sont en fait des contrats de métayage : A.E.N., Protocoles notariaux, nos 1678 (29.10.1725) et 2374 (7.12.1751) ; Echevinages, Maizeret, nos 2 (15.02.1759, 18.07.1779 et 14.10.1783) et 3 (27.09.1780).
(10) A.E.N., Protocoles notariaux, no 2414, aux dates.
(11) Bas(se) paroit : mur gouttereau, mur sur lequel pose le pied de la toiture et souvent, la gouttière.

(12) Palleotage : construction en colombage, en pan de bois.
(13) Inhorrer : engranger.
(14) Wez : gué.
(15) Marsages : céréales semées en mars (orge, avoine).
(16) Excrue : poussée, arrivée à maturité.

(17) Albums de Croÿ, sous la dir. de J.-M. DUVOSQUEL, t. XVI, Comté de Namur, III, par Ph. JACQUET et F. JACQUET-LADRIER, Bruxelles, 1989, pl. 246.